L’IMMACULEE
Le Père, avant la création de notre monde, engendre éternellement son Verbe, son Fils dans la Lumière et dans l’Amour. Ce bien aimé reçoit tout de lui et exprime par ce qu’il est la gloire de son origine. Il est distinct du Père tout en demeurant au plus intime de Lui ; en retour le Père reçoit tout de ce Bien Aimé. Toute la personne du Verbe est tournée vers le Père. Ils vivent éternellement dans cette communion de lumière et d’amour dont l’Esprit Saint est le fruit. Il est en quelque sorte leur commun baiser.
Lorsque Dieu créa le monde physique, il le créa pour l’homme qui en est son chef d’œuvre. Lui seul émerge du monde physique, lui seul est à l’image de son Dieu et à sa ressemblance par son intelligence et sa capacité d’aimer. C’est par son âme spirituelle que l’homme est le chef d’œuvre de Dieu. Son intelligence est faite pour chercher et contempler la vérité, son cœur est fait pour recevoir et donner son amour à un autre.
Si Dieu a donné l’intelligence à l’homme, plus celle-ci se développera par l’étonnement, l’admiration et le désir de connaître et comprendre le monde qui l’entoure, plus Dieu pourra l’éclairer et lui faire découvrir sa sagesse. Si l’intelligence est faite pour connaître, elle ne sera pleinement actuée qu’en découvrant l’amour d’un autre, qu’en comprenant l’intensité de cet amour, en le gardant et en mettant tout en œuvre pour demeure en cet amour et le faire grandir. Ainsi l’homme pourra-t-il petit à petit découvrir la vérité de l’amour infini de son Dieu et le laisser l’aimer et le conduire par les liens de l’amour. Il pourra reposer dans le cœur de Dieu comme Dieu veut reposer en son esprit. Dieu pourra parler à son intelligence qui comprendra et saisira ce qu’il dit sans rien confondre avec ses pensées d’homme de la terre, et son cœur pourra se confier au seul Etre adorable en tout ce qu’il est.
Mais Adam s’est laissé prendre par l’orgueil, il n’a plus voulu demeurer dans l’amour de son Dieu : il ne veut plus adorer, il n’est plus petit, il n’est plus mendiant de sa lumière et de son amour. Voilà qu’il veut être lui-même mesure de toutes choses ! L’homme a perdu le sens de la vie divine, il a perdu le chemin de la pureté du cœur, de la gratuité. Il a perdu son cœur d’enfant à l’égard de son Dieu et Père. L’homme est maintenant désaxé, désorbité ; il devient jaloux, violent, agressif et même meurtrier à l’égard de celui qui l’empêche d’être lui-même. Il impose des lois aux autres que lui-même ne peut pas tenir. Il n’apprécie plus que la quantité, l’efficacité, le rendement, la valeur matérielle des choses, il est devenu superficiel. Il s’attache à tout ce qui ne lui appartient pas, et le convoite. Il vit dans le mensonge, devient malhonnête et même pervers. Le péché a détruit ce sanctuaire de l’âme humaine dans lequel Dieu voulait se reposer. Il n’y a même plus accès, on lui en ferme la porte.
Alors Dieu reprend tout et reconstruit ce sanctuaire par l’Immaculée. C’est ainsi que Marie s’est présentée à Lourdes en 1858. Par-là, elle ne voulait pas seulement nous expliquer sa grâce originelle, mais elle voulait nous faire comprendre ce qu’est sa grâce actuelle et éternelle. Au ciel, elle est celle qui vit de cette conception immaculée.
Elle est celle que le Père a choisie pour qu’elle soit la Mère du Sauveur. Or tous les hommes ont péché en Adam, et ce péché originel se transmet de génération en génération au moment de la conception. Marie est immaculée pour être la digne mère de Dieu et celle qui coopère pleinement à l’œuvre de son fils.
Le Verbe de Dieu, Celui qui est Lumière né de la Lumière, ne pouvait demeurer que dans une âme sans tache, immaculée, un sanctuaire à Lui seul réservé (Rm 5,19).
Le Père a voulu préserver Marie du péché originel. Et Jésus est l’unique et seul Sauveur des hommes, de tous ceux qui ont vécu avant Lui et de tous ceux qui viendront derrière Lui. Ainsi Marie a-t-elle bénéficié par anticipation de tous les mérites de la Passion de Jésus. Elle est la première sauvée, la première rachetée, la première dont l’âme a été lavée dans le sang de l’Agneau. Jésus a souffert sa passion pour racheter sa Mère de la désobéissance d’Adam, et l’arracher des griffes du démon.
Marie est donc le premier et le plus beau fruit de la Croix. Ne dit-on que l’on juge un arbre à ses fruits ? Le cœur de l’Immaculée est le plus beau fruit de la Croix. Car sa grâce, comme la nôtre, trouve son origine dans la passion du Christ.
Ainsi on comprend que cette grâce provient de l’amour infini de la Sainte Trinité pour nous les hommes. Cette grâce est venue dans le temps, mais elle a son origine en dehors du temps. Cette grâce est éternelle et donc actuelle. C’est un mystère de miséricorde qui porte de plus en plus l’âme de Marie et l’attire vers la source de la miséricorde. C’est pour elle, un mystère d’amour, un mystère de gratuité, un mystère de tendresse de Dieu, un mystère de lumière qui la porte et à laquelle elle répond par un « oui » qui l’ouvre à une disponibilité totale et sans réserve à l’accomplissement du dessein de Dieu sur elle.