PAUL VERLAINE
ANGÉLUS DE MIDI
Je suis dur comme un Juif et têtu comme lui,
Littéral, ne faisant le bien qu’avec ennui,
Quand je le fais, et prêt à tout le mal possible;
Mon esprit s’ouvre et s’offre, on dirait une cible;
Je ne puis plus compter les chutes de mon coeur;
La charité se fane aux doigts de la langueur.
L’ennemi m’investit d’un fossé d’eau dormante;
Une partie de mon être a peur et parlemente
Il me faut à tout prix un secours prompt et fort.
Ce fort secours, c’est vous, maîtresse de la mort
Et reine de la vie, ô Vierge immaculée,
Qui tendez vers Jésus la Face constellée
Pour lui montrer le Sein de toutes les douleurs
Et tendez vers nos pas, vers nos ris, vers nos pleurs
Et vers nos vanités douloureuses les paumes
Lumineuses, les Mains répandeuses de baumes.
Marie ayez pitié de moi qui ne vaux rien
Dans le chaste combat du Sage et du Chrétien;
Priez pour mon courage et pour qu’il persévère,
Pour de la patience, en cette longue guerre,
A supporter le froid et le chaud des saisons;
Ecartez le fléau des mauvaises raisons;
Rendez-moi simple et fort., inaccessible aux larmes,
Indomptable à la peur; mettez-moi sous les armes,
Que j’écrase, puisqu’il le faut, et broie enfin
Tous les vains appétits, et la soif et la faim,
Et l’amour sensuel, cette chose cruelle,
Et la haine encor plus cruelle et sensuelle,
Faites-moi le soldat rapide de vos voeux,
Que pour vous obéir soit le rien que je peux,
Que ce que vous voulez soit. tout ce que je puisse!
J’immolerai comme en un calme sacrifice
Sur votre autel honni jadis, baisé depuis,
Le mauvais que je fus, le lâche que je suis.
La sale vanité de l’or qu’on a, l’envie
D’en avoir, mais pas pour le Pauvre, cette vie
Pour soi, quel soi l’affreux besoin de plaire aux gens,
L’affreux besoin de plaire aux gens trop adultères
Tous préjugés, mourez sous mes mains militaires!
Mais pour qu’un bien beau fruit récompense ma paix,
Fleurisse dans tout moi la fleur du divin Mais,
Votre amour, Mère tendre, et votre culte tendre.
Ah! vous aimer, n’aimer Dieu que par vous, me tendre
A lui qu’en vous sans plus aucun détour subtil,
Et mourir avec vous tout près. Ainsi soit-il
(Amour, Messein.)
L’âme antique était rude et vaine
Et ne voyait dans la douleur
Que l’acuité de la peine
Ou l’étonnement du malheur.
La douleur chrétienne est immense
Elle, comme le coeur humain.
Elle souffre, puis elle pense
Et calme, poursuit son chemin.
Elle est debout sur le Calvaire
Pleine de larmes et sans cris,
C’est également une mère*
Mais quelle mère, de quel fils?
Elle participe au supplice Qui sauve toute nation
Attendrissant le sacrifice Par sa vaste compassion.
Et comme tous sont les fils d’elle,
Sur le monde et sur sa langueur,
Toute la charité ruisselle,
Des sept blessures de son coeur.
Au jour qu’il faudra, pour la gloire
Des cieux enfin tout grands ouverts
Ceux qui surent et purent croire
Bon et doux, sauf au seul pervers.
Ceux-là, vers la joie infinie
Sur la colline de Sion
Monteront d’une aile bénie
Aux plis de son Assomption.